« Vivre en squat et turbiner 10 heures par jour »
Le vidéaste et le chercheur avaient pensé le film comme un support d’échanges entre livreurs, mais les participants tiennent à ce qu’il s’adresse au grand public : c’est important pour eux de faire connaître leur situation en dehors de leur milieu. Marwân-al-Qays Bousmah explique qu’il a travaillé, dès le début de l’enquête, avec la Maison des coursiers et d’autres associations présentes au 70 Barbès.
De longs entretiens avec des livreurs ont permis de collecter les premières données, et d’élaborer un questionnaire. Celui-ci est retravaillé avec les coursiers impliqués dans le processus, ce qui permet de mieux aborder les questions sensibles. Parmi elles, les locations de comptes sur les plateformes, les troubles psychologiques induits par le stress de l’activité et les conditions de vie, ou encore les problèmes urogénitaux dus aux difficultés à aller aux toilettes, et aux longues heures passées sur le vélo. « La pratique des livreurs s’apparente à celle des cyclistes professionnels, mais dans des conditions dégradées, avec du matériel pas forcément adapté, remarque le chercheur. Les problèmes d’érection, qui rappellent le syndrome du chauffeur de taxi, sont un sujet difficile à évoquer. »
La santé est envisagée dans une approche globale qui inclut les conséquences du mal logement, de la précarité et de la pression policière. « Vivre en squat et en foyer, qu’est-ce que ça fait quand on a un boulot où on doit turbiner 10 ou 12 heures par jour ? » L’enquête devrait apporter de nouvelles données. Car s’il y a de plus en plus d’études qualitatives sur la question, on manque encore de chiffres, en France comme dans le reste du monde. « Or, les plateformes réfutent fréquemment les remontées de terrain des associations sous le prétexte “qu’il n’y a pas de chiffre” pour attester cela », souligne Marwân-al-Qays Bousmah.
LG