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Inondations, méga bassines, pollutions industrielles… Alors que les enjeux et conflits d’usage de l’eau s’intensifient, repenser nos consommations à diverses échelles semble prioritaire. Mieux comprendre les trajets que parcourt l’eau sous toutes ses formes, aussi. Connaître ses cycles naturels très liés aux plantes, reconsidérer les fleuves, rivières, bassins versants et leurs aménagements, peut nous guider pour la préserver dans nos sols lessivés. L’hydrologie régénérative s’appuie sur divers travaux de recherche pour expérimenter ce que nous pourrions faire dès aujourd’hui.

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En menant des enquêtes et des ateliers d’imagination pour prendre soin des bassins versants, l’association Hydromondes change d’approche pour parler des conflits d’usage de l’eau. En avril avec STopMicro, elle s’est penchée sur la vallée du Grésivaudan, où l’Isère et ses affluents sont aux prises avec des industries ultraconsommatrices et polluantes.

« À la croisée des arts, des sciences et des luttes, le collectif Hydromondes déploie ses actions par l’enquête et l’immersion. Pour un imaginaire des bassins versants. » Le site internet est d’une sobriété déconcertante : juste une page en noir et blanc, ces deux phrases, une illustration minimaliste et un mail non cliquable. En cohérence avec ce que recherche Hydromondes. Si je suis tombée dessus, c’est grâce au collectif STopMicro, qui a fait appel à cette association pour soutenir la lutte menée dans le bassin grenoblois contre l’accaparement et la pollution industrielle de l’Isère, du Drac et de la Romanche.
Fin mai dernier, STopMicro appelait donc à « trois jours de mobilisation pour se projeter dans un futur désirable pour le Grésivaudan » (1). « Les bassins versants  connectent tout. La pluie tombe et converge vers le fleuve. Que traverse-t-elle avant de traverser nos corps ? », réssume Jeanne, ancienne étudiante en école d’ingénieur, qui a mené ces « ateliers du démantèlement » dans le Grésivaudan.

 

Comprendre les trajets de l’eau

Hydromondes propose des moyens « d’enlever, démanteler et réfléchir collectivement à partir de lieux, pour les réhabiter écologiquement ». Ses enquêtes populaires dans les bassins versants impliquent les habitant·es. Ses recherches historiques, scientifiques se mêlent à la BD, au théâtre, à la musique… Pour sortir de l’individualisme et redonner à chacun la compréhension du trajet et de la gestion de l’eau. À Uzès, dans le Gard, suite à un an d’enquête, le collectif a mené une itinérance dans les villages. Pour être « moins hors-sol » et ne pas passer pour « une bande d’intellos troubadours », des rencontres étaient organisées, avec fêtes des lavoirs, ateliers d’écriture, exposés, assemblées de l’eau… afin de se confronter aux décisions politiques, aux compétences attribuées. « On ne fait pas des grands scénarios, mais on articule les échelles, brique par brique, avec des points d’étapes. » Et la carte « des dépendances du territoire relié à tout un réseau exctractiviste » d’apparaître, dans toute sa complexité…

 

Vallée étagée

Dans le Grésivaudan, trois jours ont permis de dessiner certaines dynamiques de la vallée. « Le ski et le parapente tout en haut, des villages un peu riches au centre, et en bas, les usines. » Le paysage est ainsi étagé dans l’espace, et dans le temps : au XIXe siècle, l’hydroélectricité industrialise la vallée. Se suivent alors papeterie et métallurgie, puis usines chimiques comme Arkema, et aujourd’hui l’industrie de la hightech. L’extension de l’usine de puces franco-italienne STMicroelectronics à Crolles, annonce le pompage colossal de 29 000 m³ d’eau potable par jour (336 l/seconde) et une eau rejetée fortement polluée (L’âdf n°183, avril 2023).
Avec ses friches, l’avenir de ce passé ne fait pas rire, et le présent n’est pas reluisant. Pour Baptiste* et Fabrice*, militants de STopMicro, faire appel à l’art, à l’imaginaire, à l’humour participe d’un changement de discours. Slogans ironiques, déguisements de poisson, déambulations en bleu comme autant de gouttes d’eau se déversant dans les rues, café-croissants pour tenter de parler avec la Dreal (2), grande vague façon Hokusaï engloutissant un monceau d’objets électroniques… « On n’est pas hargneux », lance Baptiste. « C’est pour sortir de la pure contestation et qu’à chaque victoire, on n’aie pas comme seul impact médiatique d’entendre qu’on met des gens au chômage », ajoute Fabrice.

 

« En parler c’est déjà désirable »

« Le capitalisme s’est tout approprié. Les ruines qu’on est en train de construire me font flipper », partage Baptiste. Fabrice, lui, se sent plutôt « An 01, on arrête, on réfléchit et on verra ». Les ateliers d’Hydromondes ont envisagé divers scénarios, plus ou moins enviables. Et si la pompe d’Arkema, censée éviter le reflux vers la nappe, de ses eaux polluées tombait en panne ? Et si la CGT de STMicro déclarait qu’elle ne veut plus participer à la vente d’armes ? « Un truc désirable, c’est déjà d’en parler ! », lance Jeanne, consciente que les conflits d’usage sont de plus en plus prégnants. « On ne parle pas d’utopies, mais de comment dessiner un futur avec le soin et la justice au cœur du processus. Grenoble se situe dans un contexte particulier, avec des alliances entre scientifiques, industriels qui capitalisent sur leurs découvertes, et politiques », résume Jeanne.
Et si on imaginait des mobilisations populaires, des caisses de solidarité, des mutuelles territoriales ? Si on arrivait à « démonter le mythe de STMicro », qui emploie 7 000 personnes dans la vallée, et dont l’un des débouchés économiques est l’industrie de l’armement ? Cette idée est un peu le moteur de STopMicro, dont la vague grandit, passant d’une manif à 40 en 2022, à une déambulation de 2 000 personnes en 2023. Le collectif se connecte aussi avec les humains des autres pays concernés par les usines polluantes d’Italie et d’Allemagne. « On ne souhaite pas plus qu’une usine s’implante ailleurs qu’ici ! » résume Fabrice.

Lucie Aubin

1- Le Grésivaudan est une vallée qui au sens large, englobe tout le « Y » grenoblois, et une communauté de 43 communes dont le siège se situe à Crolles.
2- Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.

Avis de tempête

STMicroelectronics joue aussi de ses pinceaux ! Son greenwashing tente de redorer une image qui se serait ternie depuis les restrictions d’eau de l’été 2023, qui ont touché les Grenoblois, mais pas l’usine. Clamer dans les écoles d’ingénieur, où l’entreprise recrute, que l’eau rejetée est propre. Promettre des emplois et une « vie augmentée » soucieuse de l’écologie grâce aux ruches sur le toit de l’usine (entretenues par des bénévoles). Et surfer sur l’argument de souveraineté pour fabriquer des puces en France.
Mais cet argument ne tient pas tant que ça, explique Baptiste : « Il n’y a qu’à Taïwann qu’on produit des puces pour les téléphones et ordinateurs. Celles fabriquées par STMicro servent à l’internet des objets, à des gadgets pour voitures électriques…  » Et certaines peuvent se retrouver aussi bien dans des machines à laver que dans des armes.
Pour l’heure, une autre entreprise du secteur, Soitec (1), a reporté son projet d’extension. Quant à STMicro, suite à une enquête publique menée à l’envers, puisque la consultation préalable a eu lieu après, elle attend encore l’autorisation préfectorale de mise en service de ses premiers nouveaux modules. Le bruit court que l’investisseur américain GlobalFoundries, à qui devait revenir 58 % de la production, a retardé son entrée dans le projet, peut-être vu l’avis de tempête annoncé par le monde militant.

1 – Soitec produit des semi-conducteurs pour les puces électronique et souhaite s’étendre sur 11 ha de terre, à Bernin, commune voisine de Crolles.

Pour aller plus loin : le journal local Le Postillon a enquêté sur STMicroelectronics, la vallée du Grésivaudan, les conflits d’usage de l’eau, les pollutions des nappes et des rivières… Et a publié un recueil de ses articles en hors-série : STMicro, gros dégâts des eaux.

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De plus en plus d’entités vivantes, végétales ou animales, voient leurs droits juridiques reconnus. En France, des collectifs citoyens défendent ceux des fleuves. Le Parlement de l’Isère a été lancé récemment, pour la protection de tout le bassin versant.

« Cela vient des expériences de peuples autochtones d’Amérique du sud », relate Philippe Dubois, président de France nature environnement Isère (FNE). En 2020, l’État bolivien a reconnu dans sa Constitution le concept de Pachamama, Terre mère. En Équateur, également, la Constitution garantit les droits de la nature depuis 2021. Dans le Minnesota, le riz sauvage Moomin, ressource alimentaire mais aussi « parent » de peuples autochtones d’Amérique du Nord, s’est défendu face aux mines de sulfate, pour conserver ses droits « d’exister, de s’épanouir, de se régénérer et d’évoluer ». Et les exemples se multiplient : le fleuve corse Tavignanu en 2021 a vu ses droits reconnus, de même que les tortues et requins des îles Loyauté de Nouvelle-Calédonie en 2023, les dauphins en Inde…

 

Convergence des rivières

Forte de ces reconnaissances, et à l’instar d’autres initiatives en France comme le Parlement de la Loire, l’Appel du Rhône, ou encore pour la Seine, la Garonne, la Charente… (1), FNE a initié un regroupement pour l’Isère et tout son bassin versant (environ 300 affluents et quatre départements traversés). Plusieurs associations réunies (2) portent le Parlement de l’Isère, afin notamment de lui donner une existence juridique. Elles s’appuient sur plusieurs constats. L’éparpillement d’une gestion de l’eau mal comprise par les citoyens, une baisse du débit de 50 % à prévoir d’ici 2050, un accaparement par les industriels, des pollutions alarmantes (lire p. 11)… « La rivière n’est pas qu’une ressource, c’est une entité à part entière, que l’on doit reconnaître comme personne non humaine, tout comme une société est reconnue comme personne juridique », estime Philippe Dubois. Chaque fleuve a ses constituants spécifiques, ses poissons, ses ripisylves, ses courants, son lit, ses usages… L’Isère et le Drac – dont le nom dérive du mot dragon – sinueux et capricieux du fait de la fonte des neiges ont été domptés à force d’aménagements « béton ».

 

Élection de gardien·nes

Parmi les priorités : l’accès aux données et la participation citoyenne. « Il s’agit de reprendre le pouvoir, le redonner aux citoyens, les laisser s’exprimer. » Et pas seulement dans des réunions. Le collectif souhaite activer l’imaginaire et l’artistique autour du « fluvio-sensible », comme le propose également Hydromondes (lire p. 11). Les premières présentations sont applaudies, côté citoyens. Des étudiants en urbanisme, architecture, sciences politiques s’emparent du sujet. Côté institutions locales et gestionnaires, c’est encore mutique. « Pour éviter une guerre de l’eau, prônons l’idée de se mettre autour de la table et de discuter des usages. Le Conseil départemental a refusé, alors qui va le faire ? Nous ! » La demande de soutien du Parlement à l’Agence de l’eau, pour créer un observatoire de l’eau qui soit neutre et animer un réseau, est restée lettre morte. Ce qui n’empêchera pas le Parlement de tenir une première session à l’automne. « Dans notre système anthropocentré, la nature se défend avec des gardiens », souligne Philippe Dubois. L’idée est donc d’aboutir à une déclaration de droits et à l’élection de plusieurs porte-parole pour l’Isère.

Lucie Aubin

Pour en savoir plus : parlement-isere@gresille.org
1- Une pétition est en cours pour le fleuve Charente, sur change.org
2 – FNE Isère, l’Assemblée des Communs, Civipole et le Jardin des Initiatives.

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Après la Seconde guerre mondiale, le remembrement agricole de la France a mobilisé les terres et les agriculteurs du Morbihan. Ces politiques ont supprimé des écosystèmes complexes en « optimisant » les cours d’eau. Aujourd’hui, l’heure est à la marche arrière. Zoom sur la « renaturation ».

Au sud de la Bretagne, le département du Morbihan a les pieds dans l’eau. Bordé par l’Atlantique, le reste du territoire est maillé par pas moins de 11 000 km de cours d’eau (1). Ces rivières, fleuves, ruisseaux… sont mobilisés dans l’effort de remembrement de l’agriculture post-Seconde guerre mondiale. Des cours d’eau, autrefois sinueux, sont « rectifiés » (2), c’est-à-dire mis en ligne droite afin d’en améliorer le débit. Le drainage des zones humides porte le dernier coup aux écosystèmes complexes qu’ils abritent. Ces aménagements ont eu pour conséquence un moindre rechargement des nappes phréatiques et une augmentation des inondations.
Scientifiques et acteurs locaux se saisissent de la question dans les années 90. Il faut encore une dizaine d’années avant de voir les premiers travaux allant à contre-courant du remembrement imposé à la sortie de la guerre. « Avant on faisait surtout de la diversification. Ça veut dire qu’on revenait mettre du bois, des cailloux pour faire déborder le cours d’eau. Ce n’était pas satisfaisant sur le long terme », explique Arnaud Cholet, responsable de la cellule d’Animation et de suivi des travaux en rivières et milieux aquatiques (Aster), au Département.

 

La solution de la « renaturation »

Dès lors, à partir de 2015, des travaux plus ambitieux de « renaturation » ont été entrepris. L’objectif : redonner aux cours d’eau leurs lits d’avant le remembrement. Les premiers travaux ont été menés sur les plus détériorés, dans l’est du département. « L’objectif en remettant le cours d’eau dans son lit avec le bon gabarit c’est qu’il puisse à la fois déborder et apporter toute la vie attendue », complète Arnaud Cholet.
La cellule Aster coordonne chaque année la restauration d’une dizaine de kilomètres de cours d’eau dans le Morbihan. Avec plusieurs effets. « Dans la mesure où on crée des habitats variés, on retrouve toute une cohorte d’espèces. » Parmi cette faune et cette flore, des retours de populations protégées sur le massif armoricain, comme les libellules Agrion de Mercure ou des plantes de berges comme le coléanthe délicat.

 

Une démarche discutée

Pour Simon Dufour, ces résultats prouvent l’utilité du projet. Il est chercheur en géographie et travaille depuis une vingtaine d’années sur les dynamiques de gestion et de restauration des cours d’eau. Il indique toutefois qu’il est primordial de questionner la notion de « renaturation ». Le chercheur fait remonter les premières dégradations de cours d’eau à l’époque gallo-romaine, ensuite amplifié au cours du Moyen âge, par l’installation de moulins. D’autre part, si sur le terrain, Arnaud Chollet vise un retour à un état physique du cours d’eau pré-remembrement, Simon Dufour est plus pragmatique. « On ne peut pas retrouver l’état d’avant. Revenir en arrière c’est intéressant, ça permet d’ouvrir le débat et d’engager un dialogue social mais ça ne doit pas être l’objectif. » L’objectif doit être un accord collectif sur des mesures de réhabilitation, de concert avec tous les usagers du cours d’eau. Aussi, pour lui, la solution est démocratique ou n’est pas. Et en cas d’abus d’un usager ? « Il faut être capable de mobiliser le droit. Il y a déjà du droit qui existe, le problème c’est de le respecter ». Toutefois, avant de voir des procès à l’issue favorable pour ces écosystèmes, de l’eau peut couler sous les ponts.

Valentin Martinot

1- D’après l’inventaire des cours d’eau réalisé par les services de l’état en janvier 2020.
2 – Au sens du Dictionnaire encyclopédique de l’hydrologie urbaine et de l’assainissement.

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