Pour Aboubacar, c’est gravir les étages sans ascenseur, chargé de packs d’eau et d’autres lourdes marchandises, qui est le plus difficile. Les plateformes type Uber Eats livrent non seulement pour les restaurants, mais aussi pour les supermarchés, supérettes et épiceries. « La plupart des clients sont très reconnaissants, surtout les personnages âgées », constate le livreur.
Nourredine, lui, craint avant tout la police. Emmené au poste lors d’un contrôle d’identité alors qu’il attendait une commande, il a reçu une violente baffe. Un scanner a montré que son tympan avait été perforé. Nourredine n’entend plus d’une oreille, prend un médicament analgésique (du Tramadol) pour dormir la nuit et résister à la douleur le jour, mais a repris les livraisons. Quand vous n’avez ni statut salarié ni protection sociale, vous n’avez pas le choix.
« La part des sans papiers chez les livreurs a beaucoup augmenté depuis le Covid », observe Marwân-al-Qays Bousmah. C’est le cas de près de 70 % des personnes qui fréquentent la Maison des coursiers de Paris. « Nous recevons majoritairement des Africains de l’Ouest, qui viennent par le bouche à oreille, précise Solène Delorme, l’une des deux salariées de l’association. Mais ça change peu à peu : nous voyons à présent des Pakistanais et des Afghans, qui pour la plupart ont des papiers. Ce sont tous des hommes, de 25 à 40 ans. Ceux qui ont des papiers, ou les plus âgés, font de la livraison en complément de leur travail principal. »